La désinfection : une promesse qui n’est pas toujours tenue

La désinfection : une promesse qui n’est pas toujours tenue

La pandémie et ses nombreux rebondissements (découverte de variants, manque de masques, absence de vaccin) ont créé un climat relativement anxiogène.

Dans ce contexte dégradé et de panique, les consommateurs ont besoin d’être rassurés et sont demandeurs de solutions de décontamination ou de désinfection.

Un certain nombre d’entreprises maitrisant plus ou moins des technologies physiques associées au nettoyage, ont profité de ce climat de peur pour mettre sur le marché des produits grand public, peu efficaces voire dangereux.

En effet, l’utilisation des technologies physiques telles que les UV statiques ou la lumière pulsée ne sont pas sans conséquence sur les utilisateurs qui ne sont pas protégés.

Principe de fonctionnement

Le traitement par UV continus repose sur l’émission continue d’ultraviolets alors qu’un traitement par lumière pulsée repose sur l’émission d’une lumière polychromatique, par flashs, couvrant un plus large spectre.

Les zones d’émission pour chacune des technologies se schématisent de la façon suivante :

Spectre de la lumière pulsée

Source : SANODEV

Spectre des UV statiques

Source : SANODEV

Les rayonnements ultraviolets (UV) se divisent en 3 catégories : les UVA, UVB et les UVC et sont présents pour les deux technologies. La longueur d’onde de 254 nm représente la capacité germicide optimale.

Naturellement, les UVB (95%) et les UVC sont absorbés par la couche d’ozone et les UVA représentent une très faible part du rayonnement solaire parvenant à la surface de la Terre.

Ces mêmes rayonnements constituent le principe élémentaire des deux traitements à base de Lumière pulsée et UV statiques. Les UV constituent d’un point de vue énergétique, les rayonnements les plus actifs auxquels sont soumis les organismes vivants. Ils sont responsables de la destruction des micro-organismes de façon non sélective et des effets délétères liés à leur exposition. Ils sont souvent pressentis pour désinfecter différentes matrices : eau, effluents, surfaces ou air.

Que l’exposition aux UV soit naturelle (exposition solaire) [d’après Thierry Douki, Marie-Thérèse Leccia, Jean CLaude Béani, Stéphane Mouret, Jean Cadet et Alain Favier, 2007] ou au cours d’un traitement (dispositif de désinfection), leur action peut être schématisée de la façon suivante : 

Exposition naturelle et artificielle aux UV

Source : SANODEV

Les technologies comme la lumière pulsée et les UV statiques sont principalement basées sur le fonctionnement des UVC, qui ont un fort potentiel germicide.

Cependant comme l’illustre l’image ci-dessus, dans le cadre de l’utilisation d’une de ces technologies, aucun filtre n’existe pour limiter l’exposition de la peau à ces rayonnements.

L’effet premier de ce rayonnement électromagnétique que sont les UV, consiste à altérer l’ADN. Le schéma ci-dessous illustre les effets des UV sur la molécule double brins d’ADN. A gauche, la molécule est conforme. A droite, la molécule d’ADN n’est plus sous forme de double brins, suite à une rupture de liaisons entre les 4 bases (A,T,C,G), permettant l’écriture du patrimoine génétique.

Effets des UV sur la structure double brins d’ADN

Source : SANODEV

Les cellules des êtres vivants sont soumises à des altérations constantes et donc à une modification de l’ADN. Néanmoins, un organisme vivant dispose des ressources nécessaires pour réparer ces altérations et retrouver un état stable et conforme aux autres cellules du même type.

Il existe différents agents mutagènes (agents capables de produire des lésions de l’ADN par effets directs ou indirects) [d’après Sandrine Lacoste, Patrick J.Rochette et Régen Drouin, 2010] & [d’après Armstrong, J.D., and B.A. Kunz. 1990]

  • Les agents mutagènes physiques : principalement liés aux radiations dont les rayonnements UV, X et gamma,
  • Les agents mutagènes chimiques : essentiellement dûs à une oxydation de la cellule,
  • Les agents mutagènes viraux : certains virus peuvent amener à des mutations.

Ces agents mutagènes vont entrainer différents types de lésions, modifiant la lecture de l’information génétique :

Exemple de lésions sur les doubles brins d’ADN

Source : SANODEV

On estime que la coupure simple d’un brin d’ADN est un évènement fréquent dans une cellule, estimée à environ 150 000 par cellule et par jour [Colloque des 3R – 15-18 juin 1999, CEA] . Ces lésions sont majoritairement vouées à être réparées et ne présentent donc normalement pas de risque pour la santé.

Néanmoins, une multiplication anormale de ces modifications génétiques peut entrainer des désordres génétiques ayant deux propriétés :

  1. Une propriété désinfectante, par létalité des micro-organismes : critère d’intérêt dans le domaine de la désinfection,
  2. Une capacité à créer des pathologies à gravité variable chez l’humain.

1. Propriétés désinfectante des UV

Les propriétés désinfectantes doivent être caractérisées selon une méthodologie décrite dans la norme NF17-272. Cette norme fait appel à des micro-organismes tels que staphilococcus sp. , bacillus sp. , SARS-COV-2 (souche HoV-229E), sur lesquels sont appliqués les traitements.

L’efficacité de ces derniers est alors définie par comparaison avec une condition témoin (non traitée). Elle dépend de la dose appliquée qui est le produit de l’intensité par le temps d’exposition pour un micro-organisme cible. Elle se traduit par la détermination d’un abattement R, exprimé en log10.

R = log10 concentration témoin – log10 concentration traitée. Un abattement compris entre 4 et 5 log correspond à une élimination de 99.99% ou 99.999% des micro-organismes. Cette action, supprimant le risque infectieux, est synonyme de désinfection.

Tableau des abattements obtenus après traitement

Source : SANODEV

Cet abattement est dépendant des caractéristiques du micro-organisme à éliminer. En effet, chez les bactéries par exemple, il existe deux formes physiologiques : végétative ou sporulante.

La forme végétative de la bactérie est la forme sous laquelle la bactérie vit, se multiplie et synthétise des toxines. Cette forme est la plus simple à éradiquer.

La spore bactérienne est un mode de survie utilisé lorsque les conditions de développement de la cellule ne sont plus assurées par le milieu (température inadaptée, carence nutritive, dessiccation, …). Cette forme dormante résiste à différents stress abiotiques et est capable, dans des conditions qui redeviennent favorables à sa croissance, de germer pour donner une forme végétative. [Patrick J Piggot et David W Hilbert, 2004]

Transformation d’une cellule entre deux états physiologiques

Source : SANODEV

En complément des caractéristiques biologiques de la cellule, l’efficacité des UV dépend de différents facteurs :

  • La concentration de pathogène dans le milieu concerné,
  • La nature et les caractéristiques du milieu dans lequel se trouve le pathogène :
    • L’état de propreté du système à désinfecter.
    • Propriétés rhéologiques du milieu : La désinfection ne s’opèrera pas de la même manière si le système à traiter est visqueux, solide ou liquide.
    • Opacité et transmittance : Un objet ayant une forte opacité aura généralement une transmittance assez faible. En effet, les UV passeront beaucoup plus difficilement à travers ce dernier.
    • Turbidité du milieu : La turbidité exprime la capacité qu’a la lumière à traverser un milieu liquide.

D’après le besoin en décontamination/désinfection initial, les modalités de traitement sont établies et peuvent permettre d’éradiquer des maladies graves (choléra, hépatite, poliomyélite, typhoïde, …).

Cependant, si ces dernières sont mal appliquées, alors elles revêtent un réel danger.

2. Dangers liés aux UV

Ces traitements physiques, qui n’altèrent pas le goût, la couleur et l’odeur du support traité, ne sont cependant pas sans innocuité.

En cas d’exposition accidentelle et/ou répétée de la peau aux UV, l’utilisateur prend des risques pour sa santé. En effet, sur la peau, les UVC ne sont pas ressentis mais provoquent rapidement des rougeurs et une sensation de brûlure.

Dans un cas fortuit, l’exposition sera inoffensive. Par exemple sur les yeux, une irritation de la cornée, avec une sensation douloureuse et brulante sera ressentie (Photokératite et conjonctivite).

Dans le cas d’une exposition prolongée, les molécules d’ADN vont subir de nombreuses altérations. Ces lésions ne pourront être réparées, conduisant à une dégénérescence des cellules, et à la formation de tumeurs telle qu’illustrée dans la figure ci-dessous.

Comparaison d’un schéma de multiplication de cellules saines et de cellules altérées

Source : SANODEV

Nos conseils

Suite à l’ensemble de ces constats, et pour avoir un œil plus averti, il est nécessaire de vérifier avant toute utilisation de dispositifs de désinfection, les éléments suivants :

  • La détermination de l’abattement :
    • Dose appliquée.
    • Temps de traitement : Il est parfois intéressant de comparer l’abattement annoncé par une publication ou une publicité et le temps de traitement réellement nécessaire pour parvenir à cet abattement.
    • Micro-organisme ciblé : En effet, tous les micro-organismes n’ont pas la même résistance face aux traitements appliqués. Cependant, il est habituel de donner les spores en référence, correspondant à la forme la plus avancée de résistance de la cellule. Par conséquent, un traitement efficace sur des spores permet de garantir a minima le même niveau d’abattement sur les formes végétatives. Néanmoins, si vous souhaitez éliminer précisément un micro-organisme cible, il est important de s’assurer que celui-ci soit bien concerné par les capacités désinfectantes de la solution proposée. En fonction de la nature du micro-organisme cible, il faut s’assurer que les capacités désinfectantes de la solution proposée soient bien bactéricide, virucide, sporicide, fongicide, tuberculocide, levuricide et/ou mycobactéricide.
    • Objectif d’abattement (décontamination, désinfection) : Il est nécessaire de vérifier que l’abattement a été calculé selon des méthodologies qui s’appliquent bien au type de traitement ou aux micro-organismes visés. Par exemple, l’annexe E de la norme NF 72-281 [novembre 2014 -Procédés de désinfection des surfaces par voie aérienne – Détermination de l’activité bactéricide, fongicide, levuricide, mycobactéricide, tuberculocide, sporicide et virucide incluant les bactériophages] offre des renseignements concernant les procédés de désinfection par UV.
    • Conditions de réalisation des tests (propreté/salissures) : Il faut bien prendre en compte les conditions dans lesquelles ont été réalisés les essais de traitement. Effectivement, il est difficile de comparer des résultats obtenus dans un environnement sain et des conditions réelles avec un environnement comportant des salissures pouvant freiner l’efficacité du traitement. Il est courant de se référer à une substance interférente (BSA) pour simuler des conditions normales de salissure.
  • La validation des résultats par un laboratoire indépendant,
  • Le suivi d’un référentiel normatif : De nombreuses normes existent concernant les méthodologies à suivre. C’est notamment le cas de la NF 17-272 dont on peut s’inspirer pour connaitre la méthodologie concernant l’inoculation et le calcul des abattements.
  • L’utilisation préconisée conforme aux conditions de tests de validation préétablies.

Pour plus d’informations nous vous invitons à consulter l’article publié par l’assurance maladie sur le site de la CRAMIF : La désinfection par rayonnement UV – Nettoyage et désinfection (cramif.fr).

Références bibliographiques

  • Effets néfastes du rayonnement UVA solaire : de nouveaux indices dans l’ADN, Thierry Douki, Marie Thérèse Leccia, Jean Claude Béani, Stéphane Mouret, Jean Cadet et Alain Favier, février 2007, Médecines sciences, volume 23 numéro 2, pages 124-126.
  • Comprendre la mutagenèse somatique grâce à la cartographie des dommages à l’ADN, Sandrine Lacoste, Patrick J.Rochette et Régen Drouin, février 2010, médecines sciences, volume 26 numéro 2, pages 193-200.
  • Les effets des rayonnements sur la cellule vivante, Colloque des 3 R, juin 1999-Villejuif, point presse
  • Sporulation of Bacillus subtilis, Patrick J Piggot and David W Hilbert, décembre 2004, Current opinion in Microbiology, volume 7, issue 6, page 579-586.
  • Site and strand specificity of UVB mutagenesis in the SUP4‐o gene of yeast, Armstrong, J.D., and B.A. Kunz. 1990. Proc Natl Acad Sci U S A. 87:9005‐9.
  • Effets du rayonnement ultraviolet A sur la réplication de l’ADN chez les eucaryotes supérieurs, Dany Graindorge, Biologie moléculaire, 2012, Université Paris Sud – Paris.