Depuis maintenant un an, nous traversons une crise sanitaire touchant l’ensemble de l’humanité.
Cet épisode a des impacts indubitables sur l’économie et la santé.
Le coronavirus responsable de la Covid-19 est aujourd’hui (mi-novembre 2020) responsable de 55 millions de contaminations et de 1,3 millions de décès à travers le monde.
D’après l’OMS, « […] la COVID-19 est causée par le virus SARS-CoV-2, qui se propage dans la population, essentiellement par le biais d’un contact étroit avec une personne infectée. Le virus peut se propager lorsque de petites particules liquides sont expulsées par la bouche ou par le nez quand une personne infectée tousse, éternue, parle, chante ou respire profondément. Ces particules liquides sont de différentes tailles, allant de grosses « gouttelettes respiratoires » à des « aérosols » plus petits.
On peut aussi contracter la COVID-19 lorsque le virus entre dans la bouche, le nez ou les yeux (Kwok, Gralton & MacLaws, 2015), une situation plus probable lorsque les personnes sont en contact direct ou étroit (moins d’un mètre de distance) avec une personne infectée.
Selon les données actuellement disponibles, le virus se propage principalement par des gouttelettes respiratoires entre personnes qui sont en contact étroit les unes avec les autres.
La transmission par aérosols peut se produire dans des contextes spécifiques, en particulier dans des espaces intérieurs, bondés et insuffisamment ventilés.
Par ailleurs, les personnes porteuses du virus peuvent laisser des gouttelettes infectieuses lorsqu’elles éternuent, toussent ou touchent des objets ou des surfaces, comme les tables, les poignées de porte et les rampes. On peut alors être infecté par le virus si l’on touche ces surfaces contaminées (Kampf, Todt, Pfaender & Steinmann, 2020) puis que l’on se touche les yeux, le nez ou la bouche avant de s’être lavé les mains. »
Afin de répondre à cette problématique de contamination par contact, des solutions ont rapidement fait leur apparition sur le marché.

A ce titre, on retrouve dans le commerce (marketplace, grandes enseignes, …) des modules de désinfection par rayonnement UV et plus particulièrement UVC.
Chez Sanodev, nous sommes experts de la désinfection par process physiques et nous développons des gammes de produits pour professionnels permettant la désinfection de surface, de l’air ou de l’eau grâce notamment aux pouvoirs germicides des UVC, notamment sur le SARS-Cov-2 (Pendyala et al, 2020).
Aussi, quand nous avons vu fleurir des produits commercialisés quelques dizaines d’euros, nous avons souhaité analyser leur efficacité.
(Presque) sans a priori, nous nous sommes procurés un modèle dans une grande enseigne nationale pour 39.9€ et nous avons décidé de mener une brève étude pour déterminer si et comment l’appareil peut détruire des pathogènes.
Pour cela, nous avons décidé de procéder en trois étapes. Nous avons mobilisé une partie de notre équipe (ingénieur R&D optique, ingénieure R&D microbiologie et chef de projet innovation) et nous avons testé l’autoproclamé « stérilisateur UV LED ».
Les termes choisis sont très importants.
Revenons tout d’abord sur le « stérilisateur ». Il convient ici de préciser qu’en terme de suppression des pathogènes, il existe plusieurs « niveaux » qui vont de la décontamination à la stérilisation.
Il faut savoir que la suppression du pathogène se compte grâce à une échelle logarithmique. On parle de LOG.

Le calcul est très simple :
1 LOG correspond à une division par 10 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 90%.
2 LOG correspondent à une division par 100 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 99%.
3 LOG correspondent à une division par 1000 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 99.9%.
A 2 LOG et 3 LOG, on parle de décontamination.
4 LOG correspondent à une division par 10000 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 99.99%.
5 LOG correspondent à une division par 100000 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 99.999%.
A 4 LOG et 5 LOG, on parle de désinfection. Il n’y a plus de risque infectieux.
6 LOG correspondent à une division par 1000000 du nombre de pathogènes ou une efficacité de 99.9999%.
A 6 LOG et +, on parle de stérilisation. Il n’y a plus de risques infectieux.
Mais alors, ce produit qui est vendu comme « stérilisateur UV LED » permet-il de supprimer 99.9999% des pathogènes ? La réponse est non et c’est même le packaging qui le dit : « Tue 99.9% des virus et bactéries ».

Au mieux, nous sommes donc à 3 LOG et donc à niveau « décontamination » et très (très) loin d’une stérilisation (facteur 1000 entre les deux).
Intéressons-nous maintenant au deuxième terme du « stérilisateur UV LED » à savoir « UV ».
La notice technique du produit évoque une stérilisation décontamination grâce aux UVC et aux UVA.
Il faut savoir que les UVA sont une partie du spectre lumineux dont la longueur d’onde est comprise entre 315 et 400 nm (donc juste en dessous de la lumière visible). Les UVA sont présents sur terre par l’intermédiaire du rayonnement solaire.
Néanmoins, la littérature nous montre qu’ils ont tendance à ralentir la prolifération bactérienne dans certaines conditions (Chamberun et Mitchell, 1978 ; Fujioka et al., 1981 ; Gameson et Gould, 1985 ; Mezroui et Baleux, 1992 ; Gourmelon, 1995).
L’idée de les intégrer peut donc paraître intéressante même s’ils ont peu d’effets directs sur l’élimination des pathogènes.
Le rayonnement le plus intéressant est celui des UVC dont la longueur d’ondes est comprise entre 100 et 280nm et dont le pic germicide est à 254nm (Sarada et al. 2000).
Contrairement aux UVA, les UVC ne parviennent pas à la surface de la terre car ils sont filtrés par l’atmosphère (et heureusement !).
Ils ont un fort potentiel germicide puisqu’ils pénètrent les cellules et vont détruire les chaînes d’ADN les composant, les rendant inactives (Darnell et al., 2004).

En ce qui concerne les animaux, ils sont responsables de la survenance de cancer et sur les bactéries et virus, ils empêchent les processus de réplication et occasionne leur disparition.
Le rayonnement UVC est donc intéressant pour supprimer les virus et potentiellement le coronavirus.
Les lampes qui permettent de générer des UVC peuvent être de plusieurs types : lampes à xénon, lampes à mercure et … des LED.
Le problème à ce stade est que les LED UVC efficaces et puissantes sont encore très chères et compliquées à produire et il serait étonnant d’en retrouver des modèles avec une puissance significative dans un produit bon marché.
Nous avons tout de même décidé de soumettre le « stérilisateur » et ses différentes LED à des tests optiques pour connaitre leur efficacité.

Nous avons mesuré le spectre à l’aide d’un spectromètre couvrant le domaine UV et visible grâce auquel nous avons pu interpréter les différentes fréquences de rayonnement et les rapprocher des fréquences efficaces fournies par la littérature.
Deux types de LED sont présentes au sein du dispositif. Ce sont elles que nous avons testées.
Ce que nous supposions est bien confirmé. Les LED n’émettent (quasiment) pas dans les UVC et sûrement pas de manière suffisante pour éliminer des pathogènes.

LED Type 2 (bleu) : un seul pic d’émission dans le visible (autour de 400nm), rien dans les UV
Afin d’appuyer ces premiers tests physiques, nous avons également mené des tests microbiologiques.
Nous avons mis en culture des bactéries de type Escherichia Coli, type de bactérie connue pour sa sensibilité, notamment aux UVC.
Méthodologiquement, l’expérience a consisté en un dépôt de 50µl de suspension d’Escherichia Coli. S’en suit une phase de traitement via le stérilisateur. Le dépôt est ensuite récupéré dans de l’eau physiologique avec tween à 0.05%. 50µl sont ensuite étalés sur milieu TSA (gélose). Le milieu est ensuite incubé 24h à 37°C.
Une exposition sous une lampe UV de longueur d’onde 253.7 nm à 33 cm et à une fluence de 2.75 mJ/s cm² entraine une mortalité en 300 secondes ou 5 min (Sanchez-Navarrete et al., 2020). Nous avons fait subir un traitement par le dispositif de stérilisation UVC (issu du commerce) à nos cultures bactériennes.
Les résultats corroborent nos premières observations. L’exposition de 15 min (la plus longue recommandée par le fabricant) n’a pas permis de détruire les bactéries qui se sont développées sur le milieu. Bactéries qui sont très sensibles aux rayonnements UVC.

Notre conclusion :
Certains revendeurs surfent sur la crise sanitaire en promettant des stérilisations décontaminations traitements en quelques minutes via des produits commercialisés à bas coût.
Néanmoins, ces produits ne sont pas efficaces.
Ils sont d’ailleurs, souvent, des produits achetés en marque blanche sur lesquels les marques ne font qu’apposer leur logo et emballés dans des packagings attrayants.
Le consommateur est trompé. Il pense acquérir un système lui permettant de sécuriser ses objets du quotidien alors qu’il n’en est rien. L’effet est doublement pervers.
Premièrement, l’objet n’est pas désinfecté et donc il peut potentiellement être vecteur de contamination pour l’usager.
Deuxièmement, il peut contribuer à donner une fausse image de sécurité à l’usager qui peut alors devenir plus négligent en s’exposant indirectement à une contamination.
La production et la vente de ce type d’appareil relève du consumérisme dans son plus grand travers, à savoir fabriquer des objets d’une inutilité totale (car totalement inefficace) ayant donc un impact environnemental maximal (gaspillage de ressources, transport, etc) pour une efficacité nulle. Le consommateur est tout simplement trompé.
Nos recommandations :
Soyez prudents. Les désinfections par UVC sont scientifiquement documentées, efficaces et éprouvées mais les produits vendus dans le commerce peuvent être trompeurs.
Par ailleurs, l’utilisation des UVC appellent à la vigilance. Leur capacité à casser les liaisons ADN les rendent particulièrement dangereux pour les humains (peau, yeux, …).
Si vous souhaitez faire l’acquisition d’un tel appareil, vérifiez 3 choses :
- Le produit ne doit pas laisser passer les rayonnements UVC pendant son fonctionnement (les UVC sont stoppés par la plupart des matériaux y compris le verre ou les plastiques transparents).
- Les LED ou lampes UV doivent émettre un rayonnement dont la longueur d’onde est comprise entre 100 et 280 nm.
- Le taux d’élimination du pathogène doit être au minimum de 99,99% pour qu’il n’y ait plus de risque infectieux (=désinfection).
Il est recommandé de faire confiance aux appareils certifiés par des laboratoires indépendants (certification volet virologique et rapport d’essai) et répondant aux normes (par exemple : EN 170, EN 14255-1, ISO 15858 ) mais attention à la mention UVC « validé par l’UE » sur certains produits. Elle valide le principe d’efficacité germicide du rayonnement UVC mais elle ne garantit pas que le produit dans son contexte est validé (puisque la capacité à détruire les pathogènes dépend de la distance, du temps d’exposition et de la fluence).
Références
Chamberun CE.. Mitchell R„ 1978. A decay mode! for enteric bacteria in natural waters, p. 325-348. In R. Mitchell (éd.), Water Pollution Microbiology, Vol. 2, John Wiley & Sons, New York.
Darnell, Miriam & Subbarao, Kanta & Feinstone, Stephen & Taylor, Deborah. (2004). Inactivation of the coronavirus that induces severe acute respiratory syndrome, SARS-CoV. Journal of virological methods. 121. 85-91.
Fujioka R, Hashimoto H, Siwak E, Young R. Effect of sunlight on survival of indicator bacteria in seawater. Applied and environmental microbiology, Mar. 1981, p. 690-696.
Gameson D.J., Gould G., 1985. Bacterial mortaiity. In Investigation of sewage discharges to some British coastal waters, Part2, chap. 8.
Gourmelon Michele (1995). Etude de la lumière visible comme facteur limitant de la survie de Escherichia Coli en milieu Marin. PhD Thesis, Université de Rennes.
Kampf G, Todt D, Pfaender S, Steinmann E. Persistence of coronaviruses on inanimate surfaces and their inactivation with biological agents. Journal of Hospital Infection. 2020
Kwok YL, Gralton J, McLaws ML. Face touching: a frequent habit that has implications for hand hygiene. Am J Infect Control. 2015 Feb.
Malayeri, Adel & Mohseni, Madjid & Cairns, Bill. (2016). Fluence (UV Dose) Required to Achieve Incremental Log Inactivation of Bacteria, Protozoa, Viruses and Algae. IUVA News. 18. 4-6.
Mezroui N., Baleux B (1992) : Effets de la température, du pH et du rayonnement sur la survie de différentes bactéries d’intérêt sanitaire dans une eau usée épurée par lagunage.
Pendyala B, Patras A, Pokharel B, D’Souza D. Genomic Modeling as an Approach to Identify Surrogates for Use in Experimental Validation of SARS-CoV-2 and HuNoV Inactivation by UV-C Treatment. Front Microbiol. 2020.
Sánchez-Navarrete, J., Ruiz-Pérez, N.J., Guerra-Trejo, A. et al. Simplified modeling of E. coli mortality after genome damage induced by UV-C light exposure. Sci Rep 10, 11240 (2020).